Des humains ? : Euh... C'est pas nous ça?

Des goules ? : Qui?

De la Camarilla ? : De quoi?

Du Sabbat ? : Attendez je suis perdu là. Le Shabbat c'est pas le jour de repos des juifs?

Des Anarchs ? : Les anarchistes? Des petits cons. Non c'est pas d'eux dont vous me parlez?

Des Aubains ? : Euh... Vous pouvez répéter la question?

Des Sangs-Clairs ? : Des quoi? C'est le nom d'un group de musique ça non?

Fils d'un irlandais et d'une italienne, Matthew est un bel exemple de métissage. Grand brun au teint pâle et aux yeux bleus, c'est un homme physiquement agréable à regarder. Avec son mètre quatre-vingt-six, sa silhouette élancée fine et athlétique et sa démarche posée et pleine d'assurance, il attire déjà l’œil de loin. Sportif et à l'écoute de son corps, il possède des muscles saillants et bien dessinés, primant avant tout sur la performance offerte par ses muscles que sur leur volume. En plus de l'esthétique agréable de son corps, Matthew a la chance d'avoir une belle gueule. Des traits réguliers et fins, une mâchoire carré et dessinée, agrémentée d'une légère barbe. Son nez est droit entre ses yeux d'un bleu magnifique et les lèvres de sa bouche son charnues et régulières.

D'un point de vue vestimentaire, Matthew apprécie la sobre élégance. Préférant les ensembles sombres et simples, il méprise et évite les modes excentriques des dernières années. Que ce soit en costume trois pièces ou en simple tenue de ville, Matthew privilégie l'élégance, parfois discrète, parfois affichée. Mais qu'il soit vêtu pour un gala ou pour une soirée dans un pub, son port altier, son pas léger et sa démarche assurée le font sortir du lot. A sa façon de se tenir et de s'habiller, Matthew n'a pas besoin de faire du bruit pour se distinguer de la foule. Cependant, malgré son goût pour l'élégance, il reste quelqu'un de pragmatique et adapte sa tenue aux circonstances et à ses objectifs.

Au premier abord, Matthew parait être un homme aimable, poli et charmant. Doté d'un caractère facétieux, il montre un humour noir, cynique et moqueur malgré un tempérament posé. Toujours de l'extérieur, il montre la façade assurée d'un homme ayant prit le temps de réfléchir avant d'agir et il semble souvent distant vis à vis des autres. Faisant parfois preuve d'une grande spontanéité, il n'en demeure pas moins quelqu'un de réfléchi. Bien que charmant, Matthew reste quelqu'un de froid, calculateur et analytique. Le véritable visage de Matthew est bien plus sombre et terrifiant. Complètement amoral et dépourvu d'empathie, Matthew a embrassé l'Übermensch Nietzschéen. Déterminé et d'une volonté sans faille, Matt sait ce qu'il veut et ne laisse aucune faiblesse, aucun état d'âme l'empêcher d'accomplir ce qu'il a entreprit. Cultivant un esprit aiguisé avec une grande intelligence, Matthew entretien également sa psyché d'une grande culture et de nombreuses connaissances. Curieux et observateur, c'est un analyste doué des mœurs qui peut, grâce un esprit d'analyse et de raisonnement, lier les indices présentés à lui. Machiavélique et égoïste, Matthew a depuis longtemps abandonné le bien d'autrui au profit de ses propres objectifs. Habile manipulateur, il parvient à cacher son narcissisme et son égocentrisme sans trop de problème pour présenter le visage qui servira le plus. Bien que pragmatique et stoïque à l'extrême, ayant abandonné toute cause irrationnelle de son processus de prise de décision, il n'en demeure pas moins quelqu'un qui préférera demander gentille-ment avec un sourire et un « s'il vous plaît » pour commencer. Après si le parti en face dit non, le parti en face est alors seul responsable des conséquences néfastes de sa décision.

Vous connaissez ce cliché comme quoi lorsque vous êtes sur le point de mourir, toute votre vie défile devant vos yeux ? Cet idée qu'en votre dernier instant vous revivez l'intégrale de votre existence ? La réalité est un peu différente. Je m'appelle Matthew Collins et dans quelques instants, je serais mort. Je ne sais pas exactement comment ni pourquoi même si j'ai mes hypothèses. Je ne sais pas non plus par qui. Tout ce que je sais, c'est que cette impression de dilatation du temps, que cette perception distordue de son passage et que cette clarté quand à mes priorités et mes choix ne veulent certainement pas dire que je vais manger un Haribo. Vous comprenez ? Parce que Haribo c'est bon la vie. Et que je suis sur le point de mourir. En toute honnêteté, la seule chose que je revois de ma vie, c'est le fil conducteur qui m'a emmené au point où j'en suis, l'instant T où je vais passer de vie à trépas.

Pour commencer par le début, le commencement de ma vie, le point où tout a débuté, l'introduction de cette histoire, je suis né le 15 mai 1986 dans la banlieue de Detroit. Mes parents étaient Howard Collins et de Ciara Collins née Corvino. Oui Corvino, corbeau, mais nous y reviendront plus tard. J'étais l'aîné d'une fratrie comprenant trois frères, dont moi-même ici mourant, et deux sœurs. Mes frères Jack Giorgio et Thomas Cesare et moi-même ne sommes plus très proches. Mes sœurs Alessia et Gina encore moins. Mais j'expliquerais tout ça plus tard. Tout est lié sinon je ne perdrais pas de précieux instants avant mon trépas pour en parler.

Ma famille n'était pas riche. Loin de là. Elle n'était pas pauvre non plus mais elle n'avait pas les moyens financiers de la classe moyenne. Mon père était un ouvrier dans une chaîne de montage qui a depuis fermé pour être relocalisée en Chine et ma mère était femme au foyer. Mon père était fils d'immigré Irlandais et avait hérité de son père l'amour de la boisson. Et l'accent. Mon dieu ce putain d'accent. Mon grand-père avait gagné la nationalité en étant conscrit pour la guerre du Vietnam. Il n'en parlait jamais beaucoup. Ma mère elle était une distante cousine au 3ème degrés d'un ponte de la mafia sicilienne de Detroit. Don Carlo Fogliani, parrain de la famille Fogliani. Don Fogliani a assisté à ma naissance et à mon baptême en sa qualité de parrain. Parrain dans le sens légal et religieux du terme cette fois. Oui le Parrain était mon parrain. Je tiens à préciser qu'il n'a pas apporté cette attention à mes frères et sœurs. Les avantages d'être l'aîné je suppose. Après n'allez pas croire que cela faisait de moi quelqu'un de spécial. Mon parrain prenait comme filleul tout fils premier fils dans la famille. Tant que l'arbre généalogique pouvait être présenté.

Mon parrain s'est toujours assuré que je ne manquais de rien. Cependant, même avec ses contributions, le salaire de mon père était à peine suffisant pour nous tous. Je tiens à rappeler que nous étions cinq enfants. J'étais d'ailleurs un enfant très difficile, un pauvre exemple pour mes frères et sœurs. J'étais un enfant précoce et intelligent, d'une grande curiosité souvent frustrée par le monde étroit dans lequel je vivais. J'en voulais toujours plus. Cette frustration s'exprimait par une disposition à l'ennui et une hyper-activé parfois agressive et violente.

A cause de ça j'étais un enfant particulièrement dissipé et sans contrôle. Mon parrain reprochait mes problèmes à mon père qui a son tour blâmait ma mère qui partait se réfugier chez mon parrain. Bref un cercle vicieux et infernal d'accusations stériles qui n'aboutit à rien. Ce fut mon grand-père, paix à son âme, qui trouva la source du problème et sa solution. Je vous ai dit que mon grand-père avait fait la guerre du Vietnam. Je vous ai aussi dit qu'il n'en parlait pas beaucoup. Ce que je ne vous ai pas dit par contre c'est que mon grand-père avait ramené un souvenir de la jungle de l'Asie du sud-est. Phong Giang Long était un ancien soldat sud vietnamien qui avait combattu les Vietcong. Avant la guerre il avait parcouru l'Asie du sud-est afin d'étudier les différentes cultures de son sous-continent natal. Il avait, au cours de ses pérégrinations apprit les arts martiaux des pays qu'il avait visité.

J'avais donc 10 ans lorsque mon grand-père m'emmena voir son ami qui avait eu la chance de pouvoir immigrer aux États-Unis et fuir le Vietnam communiste de Ho-Chi-Min. Et il s'avérait que le vieux vietnamien avait le remède à mes problèmes d'attention et d'agressivité. Il me prit sous son aile et m'enseigna ses arts martiaux. Je vous arrête tout de suite, je ne suis pas un maître d'arts martiaux. Le premier qui vient et m'appelle Sifu, Shisho ou Guru se prendra une dérouillée.

Alors c'est sur, m'entraîner avec un maître de plusieurs disciplines martiales à beaucoup jouer dans mon développement physique. J'ai apprit à me battre, à maîtriser quelqu'un et à frapper là où ça fait mal. Mais le plus grand apport de cet entraînement était mental. Grâce à Phong Giang Long, j'ai apprit à me maîtriser moi-même. A contrôler mon esprit et mon émotivité. Je ne vais pas mentir en disant que j'étais moins colérique, j'étais juste plus maître de moi-même. Mes séances avec lui m'ont également apporté un grande détermination, elles ont aiguisé en moi un sens de la direction et une volonté de vaincre et de réussir. Elles m'ont permis de développer la force de volonté suffisant à la réalisation de mon plein potentiel.

A côté de ces séances et grâce à ce changement opéré en moi, j'ai pu exercer mon esprit à d'autres activités. J'appris à jouer aux échecs et m'entraînait dans les parcs avec d'autres joueurs. Pour satisfaire ma curiosité, j'allais aux différentes bibliothèques et passait des après-midi entiers à lire. Je vous arrête tout de suite, je ne vais pas vous raconter des salades. Je ne lisais pas du Socrate ou du Machiavel, pas encore du moins. Non à dix onze ans j'étais plutôt à Tolkien et à Stephen King. Un peu de Jules Verne aussi. Vous ne me croyez pas ? Je vous emmènerait bien à la bibliothèque pour vous montrer les tickets d'emprunt. Mais étant donné que je vais mourir dans les instants qui suivent, ça risque d'être difficile.

Avec le temps qui passait et avec l'affermissement de ma volonté, mes séances avec Phong Giang Long se faisait plus espacées et moins nécessaires. J'avais également moins de temps à y consacrer aussi. Quatorze ans, l'âge des premiers baisers, des premières boums et des premières copines. L'âge des premières expériences. L'âge où j'ai perdu mon père. Alors comme vous vous en doutez bien, mon père et moi n'étions pas particulièrement proche. Non cette proximité et cette complicité il la partageait surtout avec mes frères. Mais c'était quand même mon père. On en a qu'un seul bordel. Sauf pour ceux qui ont été adopté par un couple homo. Je ne juge pas. Donc malgré mes problèmes relationnels avec mon père, sa mort ma quand même bien affectée.

Elle m'a doublement affectée. D'abord parce que comme vous vous en doutez bien, perdre un père ce n'est jamais facile. Sauf pour les blacks parce que leurs pères partent quand ils sont encore dans le ventre de leur mère. Quoi je vais mourir. Laissez-moi faire mes blagues racistes et stéréotypées. Ensuite parce que ça voulait dire que pour pouvoir survivre, ma mère a dut trouver un emploi. Trois emplois même. Et avec son emploi du temps soudainement surchargé, devinez qui s'est retrouvé à changer les couches des plus jeunes ? Ouais, vous avez compris. Bibi.

C'était une époque où ma fratrie était plus… soudée. Plus proche. Et je n'ai pas rechigné à la tâche. J'ai prit soin de mes frères et sœurs du mieux que j'ai pu. Mais je souffrais de ma perte d'indépendance. Je n'avais plus le temps pour des sorties. Je n'avais plus le temps de voir mes amis ou mes copines. Je n'avais plus le temps de voir Phong. Alors c'est Phong qui est venu me voir. Il était là pour moi, toujours à me guider. Il était là pour mes frères et sœurs. Le vieux vietnamien avait parfaitement compris mes besoins et mes envies et me permettait de regagner un minimum de liberté.

C'est à cette même époque que je commença à lire des textes plus sérieux. Ma bibliothèque commença à se remplir d'ouvrages philosophiques, sociologiques et psychologiques. Je lisais les anciens et les modernes. Socrate et Aristote côtoyaient Machiavel, Spinoza et Nietzsche. L'orient se mêlait à l'occident et les œuvres de Gibran vinrent se rajouter à ma collection. Je lisais Marx et Keynes. Je m'émerveillait de l'histoire du Che et prenait inspiration des révolutionnaires Bolcheviques. Je voulais changer le monde. J'étais jeune. J'avais quinze ans. Avec l'aide de Phong, je sortais plus souvent et commença à fréquenter la jeunesse révolutionnaire de Detroit. Je parlais philosophie avec eux et nous faisions des plans pour notre grande révolution. A cette époque, la jeunesse avait encore un minimum dans la tête.

Malgré les difficultés posées par la mort de mon père, je parvint à finir ma scolarité avec brio. Obtenant de très bons résultats au SAT, je pu intégrer la Wayne State University of Detroit dans leur secteur d'Affaires. Désireux de comprendre le systèmes des échanges afin de le changer, j'intégrais un cursus de commerce et de gestion des affaires. Avec l'aide de mon parrain qui payait déjà mes études, je fit une brillante première année. Passant ma première année universitaire dans les dortoirs du campus, je m'éloignais pour la première fois de ma famille. C'est à partir de ce moment qu'une fracture s'opéra entre ma fratrie et moi-même.

Estimant qu'ils étaient assez âgés pour se débrouiller sans moi, je laissa mes frères et sœurs seuls à la charge de ma mère et parti vivre ma vie comme je l'entendais. Je me fis des amis et rencontra Alicia qui devint ma copine. Suivie par Pénélope, Hélène, et Jackie. Je… n'étais pas très doué pour m'investir sérieusement dans mes relations amoureuses. Et puis on est jeune qu'une fois alors autant en profiter. Vous en avez combien de première rousse ? De première étudiante étrangère ? De première indienne, de première allemande ou de première colombienne ? La réponse est une de chaque maximum. Sauf si vous avez tellement bu que vous ne vous souvenez pas de votre soirée dans tel cas, désolé. Ma première année universitaire fut l'année où je vécu ma première réelle libération.

Bien qu'un excellent élève, je devins un frère et un fils distant. Je ne rendais presque plus visite à ma famille. J'étais déterminé à vivre ma vie sans encombrer ma famille des détails de mon quotidien. Ni même des grandes lignes. Alerte Info ! Votre fils n'a toujours pas répondu à vos appels ! Alerte Info ! Votre grand frère que vous adulez a raté votre premier Home Run parce qu'il n'est même pas venu à votre premier match de Junior League. Alerte Info ! Votre fils préfère fumer tranquillement sa cigarette, les couilles vides dans le lit d'une fille que de venir vous aider à faire les courses pour Thanksgiving. Alerte Info… Matt Collins est devenu une enflure…

J'avoue que j'ai un peu perdu ma flamme lors de cette première année. Ma fibre philanthrope et généreuse. Au cours de cette année j'ai découvert l'égoïsme et qu'est-ce que ça fait du bien de se faire du bien sans penser aux autres. Mes frères et sœurs m'en ont voulu et ils m'en veulent encore, d'avoir décidé de me faire passer en premier. Les putains d'ingrats quand même.

Cette ingratitude ne m'a pas encouragé à entretenir les bons rapports familiaux et lors de ma deuxième année universitaire passa encore moins de temps avec ma famille. A cette occasion j'avais quitté les dortoirs du campus et m'étais installé en collocation avec des amis. Nous étions cinq à partager un large appartement au coeur de Cass Corridor. Je passais l'essentiel de mon temps à suivre mes études ou avec mes amis et colocataires qui devinrent rapidement une nouvelle famille pour moi. Et surtout une famille demandant moins de ma part. Non pas que cela soit particulièrement difficile je tiens à préciser.

C'est à la fin de cette année que je rencontrais ma première petite amie sérieuse. Élise de Pablo, une étudiante étrangère en informatique venant tout droit du sud-ouest français. Son exotisme m'inspirait et elle fit ressortir le meilleur de moi-même, même si elle ne parvint jamais à me rapprocher de ma famille. Les rapports entre nous étaient tout simplement magiques ? Honnêtes et en toute simplicité. Pas de prise de tête, la complicité s'était immédiatement installée entre elle et moi. Je sentais que c'était la femme avec qui je voulais faire un long bout de chemin dans ma vie.

Nous passâmes l'été de la fin de notre licence à voyager entre les états. Ne passant jamais plus d'une nuit au même endroit, nous avons exploré les grandes villes des deux côtes, les campagnes et les espaces sauvages des États-Unis. A la fin de l'été, nous nous sommes installés ensemble. Six mois plus tard nous étions séparés.Ce n'était pas par manque d'affection ou d'amour. Ce n'était pas le manque d'alchimie ou même de sexualité. Oh que non, pas le manque de sexualité non. C'était les disputes incessantes. C'était l'absence de distance et de barrières entre nous. Je pense aujourd'hui que nous sommes allés trop vite. Nous étions tout le temps l'un sur l'autre sans le moindre moment de solitude. Un jour de février, je ne me souviens plus trop duquel, on s'est disputé, je ne me souviens plus trop pourquoi, elle est partie et a claqué la porte. Et là vous êtes en train de vous dire « mais qu'est-ce qu'il raconte celui-là ? Il avait pas dit qu'il n'allait se contenter que du fil conducteur ? Des éléments essentiels ? » Non mais on va y venir.

Élise sortie donc de ma vie en février 2009. Je venais d'entamer un master en Finances internationales et influences des échanges internationaux sur les échanges nationaux. A ce moment deux autres événements majeurs se produire dans ma vie. Le premier est ma rencontre avec Paloma, une étudiante espagnole. Ai-je mentionné mon goût pour l'exotisme ? Je veux dire ce n'est pas comme si Seattle manquait de filles mais toutes celles qui ont eu une importance dans ma vie sentimentales étaient d'origines étrangères. Le second événement majeur se produisit quelques mois après ma rencontre avec Paloma et fut le décès de ma mère.

Oui parce qu'une chose dont je n'ai pas parlé, c'était sa santé déclinante. Après je tiens à préciser aussi que je n'étais pas au courant de sa santé déclinante. Après tout je n'étais jamais là donc c'est pas vraiment comme si j'avais pu la voir son état de santé s'aggraver. Et oui je sais que j'aurais sans doute pu et dû m'en rendre compte parce qu'il y a le téléphone et facebook et compagnie. Mais allô quoi (feur) ! Je répondais presque jamais au téléphone et nos rares conversations téléphoniques se limitaient à « Salut ça va ? Je fais la lessive/vaisselle/mes devoirs je te rappelle quand je suis libre. » Voyez le genre ? Je crois que madre a eu du mal à trouver un moment pour glisser un « Au fait chéri, j'ai un cancer métastasé de l'intestin grêle qui se répand lentement à l'ensemble de mes organes et les médecins ne peuvent rien faire parce que j'ai pas un sous pour les payer. Je t'embrasse, bisous passes un bon week-end. »

Autant dire tout de suite que quand j'ai reçu l'appel de Jack pour me dire que maman était sur son lit de mort à l’hôpital ça m'a fait un léger choc. Ma mère est morte avant que je n'arrive à sa chambre. Le point positif c'est qu'elle n'a pas eu supporter l'haleine d'ail que je me trimbalait. Non parce que je mangeais justement du pain à l'ail quand mon frère m'a appelé et j'ai pas vraiment prit le temps de me brosser les dents. Par contre j'ai pas eu le temps de lui dire au revoir. Ou de parler avec elle ou de lui dire que je l'aimais ou bref… Leçon du jour, si des enfants sont là à écouter mes pensées, dites à vos parents que vous les aimez, ils vous donneront des bonbons.

Les jours qui ont suivis ont été légèrement flous. Grosses disputes avec mes frères et sœurs. Ils m'ont reproché d'avoir abandonné maman pour aller vivre ma vie. Ces enculés ne m'ont même pas appelé pour me dire que maman allait mal. Mes souvenirs ne sont pas très clairs, je buvais beaucoup mais je crois que j'ai cassé la mâchoire de Thomas à l'enterrement de maman. Je sais plus trop pourquoi. Je me suis prit une rouste de la part de mon parrain qui a qualifié mon comportement d'inacceptable. Putain comme si je ne me sentais déjà pas suffisamment mal comme ça.

La seule raison pour laquelle j'ai pu m'en sortir c'était le soutien de mes proches. Mes amis et Paloma d'une part, Phong de l'autre. Je n'avais plus vu mon mentor et ami depuis des lustres quand il s'est spontanément présenté aux funérailles de ma mère.

J'ai quitté la fac, j'avais besoin de temps pour me remettre les idées en place et me retrouver. J'ai vite compris qu'il fallait que je détermine qui j'étais et ce que je voulais vraiment faire de ma vie. J'avais perdu le fil. Je passais beaucoup de temps à parler et à m'entraîner avec Phong. Avec son aide et son soutien j'ai pu me reconstruire en l'homme que je voulais être. J'ai essayé de renouer les liens et réparer ma relations avec mes frères et sœurs mais la rupture entre nous allait au-delà de tout effort.

C'est étonnant qu'avec toutes les nouvelles perspectives offertes par la douleur du deuil, il y a certaines choses par delà lesquels ont ne peut tout simplement pas voir. Certains perceptions forgées dans la douleur et tempérées par cette dernière. Des perceptions inaltérables et immuables. Je pense que ma dispute avec ma fratrie fait partie de ces moments et que la seule image qu'ils auront de moi est celle de mon poing s'écrasant dans la mâchoire de mon frère sur la tombe de notre mère.

En 2011, je reprenais mes études et ma maîtrise, me sentant assez fort pour me relancer dans la vie active sans me perdre à nouveau. Pour ceux qui prêtaient attention, j'étais dans la première année de ma maîtrise lorsque j'ai interrompu mes études. Pour ceux qui prêtaient attention et qui réfléchissent un peu, j'étais DANS la première année de ma maîtrise lorsque j'ai interrompu mes études. Donc rebelote day one de ma maîtrise. Donc je vous laisse imaginer. Bon élève à la base qui doit repasser des cours qu'il avait déjà suivi ? Vous auriez fait quoi vous à par la sieste ? Sauf que j'ai été sérieux. Nouvel homme et  tout vous vous souvenez ? Donc cette deuxième première année de maîtrise se passa sans encombre pour elle.

Paloma et moi nous sommes installés ensemble durant l'été 2012. Les choses se passaient bien avec elle et comme vous pouvez le constater, elles vont aussi plus lentement et plus sûrement. Alors c'est sur, ce n'est pas le tourbillon de passion que je vivais avec Elise mais c'est plus solide, plus stable. Ensemble nous construisions une relation faite pour durer.

Après je suppose que vous doutez de la suite. Si vous avez un temps soit-peu prêté attention à mon histoire vous vous doutez bien que quelque chose va se passer. Et vous auriez raison. Avance rapide deux ans plus tard.

Nous sommes en 2014 et nous approchons de la présentation de mon mémoire quand se passe, vous l'aurez deviné, une catastrophe. Cela faisait plusieurs mois que Phong avait des problèmes avec l'une des triades de Detroit. Alors avant que vous ne vous fassiez des idées, c'est la triade qui venait chercher la merde, pas l'inverse. Un groupe du syndicat Hen Fuei cherchaient à racketter Phong pour son dojo et sa clinique de soins traditionnels. Et Phong étant le fils de pute borné qu'il était a toujours refusé de céder à leurs menaces. Jusqu'au jour où ils ont débarqué en plein cours et l'ont abattu à coup de fusil à pompe devant une classe d'enfants. Ce jour là les pédopsychiatres et les thérapeutes de toute la ville ont levé les yeux au ciel en remerciement.

Nous sommes le 28 Mars 2014 et j'apprends que l'homme qui m'a tant de fois sauvé de moi-même est mort assassiné. Je vous laisse deviner ce que ça fait. Phong est inhumé selon la tradition vietnamienne trois jours plus tard. Le lendemain des funérailles je me suis rendu chez mon Parrain pour demander de lui qu'il fasse justice pour la mort de Phong. Mon enculé de Parrain a refusé. Cet enculé a prétexté les délicates relations entres les syndicats criminels mais j'ai bien compris qu'il avait peur. Nous sommes le 1er avril 2014 et je viens de me voir refuser la vengeance que je demandais et qui m'était due.

Alors j'ai fait ce que n'importe qui de rationnel ferait dans cette situation. J'ai poursuivi moi-même ma quête de vengeance. Mais pour ce faire j'ai du entamer une métamorphose. La mort de Phong m'a fait comprendre une réalité de la vie. La vie est une pute. La vie n'en a rien à carrer de nos actions. On peut-être dans le droit chemin, être un homme bon et toujours se retrouver à bouffer la merde chiée par ceux qui n'en ont rien à faire de vous. Alors j'ai prit une décision importante. Je ne serais plus un homme bon. Je ne chercherais plus à faire le bien autour de moi. Exit mon empathie. Exit la moralité. Wilkommen das Übermensche, wilkommen das neue mich. Alors je sais que certains vont dire qu'un changement aussi brusque ne peut humainement pas s'opérer comme ça. Mais franchement, combien de merde un homme peut-il se prendre dans la gueule avant de perdre sa capacité à en avoir quelque chose à faire ? Combien de baffe peut-on se prendre de la vie avant de ne plus rien sentir ? Il faut croire que dans mon cas, la mort de Phong était la baffe de trop.

Après je suis pas con. J'ai peut-être pas eu mon master de finance mais ça c'est parce que je suis pas allé présenter mon mémoire mais je ne suis pas con. Phong m'avait légué son dojo et sa clinique et si je n'avais aucune intention de soigner qui que ce soit ou d'enseigner les arts martiaux à des enfants (non pas que j'en ai la capacité en plus), j'avais bien l'intention de me préparer pour venger Phong. J'ai utilisé son dojo pour m'entraîner nuit et jour en vue de tuer l'homme qui m'avait privé de Phong. Parce que oui, je savais très bien qui avait harcelé et tué mon mentor. Phong et moi étions redevenus très proche et il ne m'avait pas caché ses problèmes avec One-Eye Lee Song du gang Feng Shui. Non je plaisante son gang n'avait pas de nom, pas assez important pour ça. Ce n'était qu'un groupuscule au sein de l'immense organisation qu'est le Syndicat Hen Fuei.

Et Paloma dans tout ça ? Et bien elle a supporté ma métamorphose et mon obsession tant qu'elle a pu avant de claquer la porte. Elle aura essayé de se montrer compréhensive et de me soutenir mais en vain. Un jour elle est partie. Elle a baragouiné quelque chose au sujet de l'impossibilité de fonder une famille et d'élever des enfants avec moi et de construire un avenir avec l'homme que j'étais devenu et avait claqué la porte.

Après une année passé à me préparer mentalement et physiquement, je me sentais enfin près à entamer l'exécution de ma vengeance. Alors non, je ne suis pas parti tout seul à la recherche de Lee Song. Je vous l'ai dit je suis pas con. J'ai commencé par former mon propre gang. Comment on forme un gang ? Aucune idée. J'ai juste pris un gang qui existait déjà, j'ai tué son chef devant ses hommes de la façon la plus brutale possible (je lui ai enfoncé la tête dans un bac d'huile bouillante dans un fast-food) et leur ai dit que c'était moi leur chef maintenant. Croyez-moi croyez-moi pas, ça a marché. Après j'ai pas prit les gars les plus malins ou les plus couillu non plus hein.

Pour me bâtir un solide capital à la base de mon entreprise criminelle, j'ai prit une page de la mafia de Chicago. J'ai vendu la clinique de Phong et alors que mes clients venaient à peine de signer le contrat de vente et de me donner l'argent, mes hommes ont mit le feu au bâtiment. Le contrat à brûlé et avec lui toutes les preuves de la transaction. Par contre moi j'ai gardé l'argent qui m'avait été donné et j'ai en plus touché l'argent de l'assurance. La somme totale constituait un sacré pactole.Mes clients ont essayé de faire un recours en justice pour récupérer leurs sous en vain. Avec l'aide d'un ami avocat je m'en suis tiré sans soucis et les ai ensuite attaqué pour dénonciation calomnieuse. Boum ! De l'argent en plus dans la poche.

Avec cet argent et mes hommes, je commençais à me créer un petit réseau de trafic et de contrebande. Stupéfiants, armes, recel, tout passait par la boutique de gage que j'avais ouverte à côté du dojo. Puis vint noël et je décidais de me faire plaisir avec un petit cadeau.

Le cadeau en question était la tête de Lee Song. Je préparais bien mon coup, connaissant ses habitudes par le réseau de contacts et d'informateurs que j'avais monté, je savais qu'il passerait l'après-midi de noël dans le restaurant chinois qui lui servait de QG. M'habillant soigneusement pour l'occasion, pantalon noir avec chemise bleue et veston assorti. Je m'amusa à porter un chapeau melon et à emporter une canne. Juste par plaisir. Il fallait marquer le coup.

Mes hommes et moi investirent le restaurant de Lee Song en tant que clients et je profita de l'occasion et du fait qu'il ne me connaissait pas pour le provoquer. Vint un moment où il n'en pu plus et vint me rejoindre à ma table. Je vous fais une description détaillée de l'action. C'est important car comme je vous l'ai dit il faut marquer le coup.

Restant assis à ma place, je lui donnait un coup de pied à l'intérieur du genou en même temps que je lui saisi le col pour provoquer la rencontrer fortuite de sa face avec la surface de ma table. Un rendez-vous, deux rendez-vous et troisième rendez-vous on couche ensemble ! Je me levais alors de ma chaise tout en lui saisissant la gorge alors que mes hommes s'occupaient de ses hommes. Je l'emmenait tranquillement à sa cuisine, l'étranglant lentement et le traînant alors qu'il était à moitié conscient, et lui plaqua le visage contre la plaque de cuisson. Entrée du soir, joue de porc grillée. Et oui pour ceux qui se le demandent, la viande humaine grillée, ça sent le porc grillé. Je peux vous dire que ça l'a réveillé.

Un peu tard par contre parce qu'il était déjà sur le grill. Je lui décolla la tête du grill, y laissant sa peau collée à la plaque brûlante et le jeta contre un mur avant de lui assener un violent coup de genoux au buste qui l'envoya valdinguer contre la friteuse qui déversa son contenu sur son entrejambe. Seconde entrée de la soirée, nem chinois.

Là vous êtes en train de vous dire que je suis un type cruel. Loin s'en faut, je ne prends aucun plaisir dans la souffrance d'autrui. C'est juste que dans ce cas très précis c'est légèrement personnel. Je tiens à le préciser.

Je ne vais pas m'attarder d'avantage. Lee Song est mort sur le coup. Je crois que les œufs de caille frits et le nem chinois n'étaient pas à son goût.

Bon par contre après ce cadeau de noël j'étais légèrement dans la merde. Le Syndicat Hen Fuei n'a pas vraiment apprécié que je m'en prenne à l'un de ses membres. Et ces connards ont des moyens pour découvrir qui leur a causé du tort.

Je suis un soir revenu à ma boutique pour la trouver en flamme, mes hommes prisonniers à l'intérieur. J'ai compris que je devais quitter la ville. Je suis allé voir mon Parrain qui a arrangé ma fuite vers l'ouest, en direction de Seattle où la famille Brenatta pourrait potentiellement m'aider.

Et on se retrouve donc ici, à l'instant de ma mort. Chienne de vie quand même.